• Deuxième article 

     

    La liberté de l’enseignement

     

    Le 23 novembre 1977, dans une décision dont nous ne retenons pour l’instant qu’une partie, le Conseil constitutionnel a estimé que, au même titre que l’obligation faite à l’État d’organiser un enseignement laïque et gratuit, la liberté de l’enseignement avait valeur constitutionnelle : "Ce principe […] constitue l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le préambule de la Constitution de 1946 et auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle. "

     

    Les lois  en question sont la loi Falloux de 1850 pour le second degré, la loi Goblet de 1886 pour le primaire, la loi Astié de 1919 pour le technique. Leur adoption à des époques et par des républiques différentes  a conduit sans doute à considérer comme fondamental le principe commun qu'elles mettent en œuvre. 

     

    Selon ces textes, l'ouverture et la direction d'établissements scolaires ne sont permises qu'à une personne physique. Même si la propriété et la gestion relèvent d'associations et que le directeur en est salarié, l'établissement scolaire proprement dit n'a d'existence légale qu'en sa personne (administrativement il y a lieu à fermeture puis ouverture lorsque ce directeur change). Nous retrouvons, même après la loi de 1901 sur les associations, l’esprit de la Déclaration de 1789, qui proclame en son article 10 la liberté d’expression de "tout citoyen" (entre celui-ci et l’État il n’y a rien). Ce n’est pas cette liberté cependant mais celle d’entreprendre qui inspire la loi Astié, qui visait en 1919 à faire donner par les entreprises une formation théorique et pratique "en vue de l’industrie et du commerce " (article 1). "Dans l’esprit de ses promoteurs, a expliqué l’historien de l’éducation Claude Lelièvre, les ouvriers seraient plus dépendants et donc plus rentables s’ils devaient leur formation non à l’enseignement public mais aux patrons."   

     

    Quoi qu’il en soit, la législation consacrée par le Conseil constitutionnel se situe du côté de l’offre. La Convention européenne s’intéresse plutôt à la demande. Elle part en effet du "droit à l’instruction" et ajoute : "L’État, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques." On notera "d’assurer", et non de "faire assurer" : on pourrait donc estimer que pour satisfaire à cette obligation les pays signataires peuvent se contenter, comme l’a fait la France, de rendre obligatoire l’instruction (en vérifiant qu’elle est effective) mais non la scolarité, et de laisser du temps pour  le catéchisme. Mais le pacte de l'ONU sur les droits économiques et sociaux de 1946 que nous citions dans le premier article relie explicitement au droit de la demande la nécessité d’une offre privée : " Les États parties au présent pacte s’engagent à respecter la liberté des parents |…] de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics."  Il ne demande pas cependant à ces établissements la conformité avec les convictions religieuses et philosophiques des parents.

     

    L’ONU a d’ailleurs adopté en 1989 une Déclaration des droits de l’enfant qui reconnaît "le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion, dans le respect du rôle de guide joué par les parents et des restrictions prescrites par la loi nationale". Pour avoir un minimum de consistance, ce droit implique que, même si les parents sont les premiers éducateurs (en termes de chronologie mais aussi de droits et de responsabilité), l'enfant ait l’occasion de rencontrer d’autres convictions religieuses et philosophiques que les leurs. 

     

    Ajoutons que ni la jurisprudence du Conseil constitutionnel ni celle du Conseil de l'Europe n'imposent que la liberté de l'enseignement bénéficie de fonds publics. L'Union européenne a exprimé en ce sens une "recommandation" non contraignante. 

     

    Précisons pour terminer que tous les établissements privés sous contrat d’association, catholiques ou non, ont été et demeurent ouverts au titre d’une des "lois de la République" mentionnées plus haut, et que la même personne physique peut en ouvrir plusieurs.  

     

    Á ce stade il est donc possible de noter que l'ouverture d'un établissement d'enseignement public ne se fonde pas sur la liberté de l'enseignement (qui concerne des personnes privées) mais sur la "prééminence" exposée dans le premier article  et rappelée par Michel Debré présentant sa loi en décembre 1959.

     

                                                        

     

     

                                                                                                  24 février 2011

                                                                   Le collectif "Réflexions citoyennes – Le lycée de Beaupréau"


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