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    Cinquième article

     

    Applications à Beaupréau : aspects économiques et sociaux (1)

     

       Il s’agit maintenant, compte tenu des données actuelles et - autant qu’on puisse les prévoir - futures, d'envisagerles aspects économiques et sociaux de l’implantation à Beaupréau d’établissements publics du second degré. Est-on certain qu’il s’agira d’une bonne utilisation des fonds publics ? Que deviendront les établissements sous contrat et leurs personnels ? 

     

    1)       l’utilisation des fonds publics

     

       Rappelons qu'il s'agira d'utiliser 50M€ de fonds publics pour la construction d'une cité scolaire en secondaire (2).

     

       Examinons l'argument qu'il faudrait se préparer à l'accroissement inéluctable de la population, donc de la demande. En 2002, le Comité d'expansion des Mauges, s'appuyant sur des études de l'INSEE, faisait des "projections de population horizon 2030" et indiquait que "si les tendances passées se maintiennent […], le rythme de décroissance [dans les Mauges rurales] serait de -0,07% par an" (3). On invoque aujourd’hui l'augmentation récente de la fréquentation dans les collèges publics de la région de Beaupréau ; n'est-elle pas due en partie à la conjoncture? On fait état également des hypothèses envisagées par le Pays des Mauges constatant  l'arrivée d'une population jeune venue de Nantes ou de sa banlieue ; mais elle s’installe en partie à la périphérie du secteur scolaire de Beaupréau, la poursuite à terme de la tendance n’est pas assurée (pensons notamment à l'incidence du prix du carburant) et n'oublions pas que, du fait des séparations, le nombre d’enfants (donc d’élèves possibles) par ménage diminue. D'ailleurs lors de l'installation du comité de pilotage à l'automne 2010, le président du Conseil régional ne dit plus qu'il vient répondre à un besoin démographique ou à une demande de la commune de Beaupréau mais qu'il entend "rééquilibrer l'offre de formation en faveur du public".

     

       Cette affirmation relativise l'autre argument de la Région : répondre à la demande d’élus locaux favorables, "en dehors de toute considération politique ou idéologique", à  "un équipement structurant" susceptible d’apporter une "valeur ajoutée" au territoire (4). Contentons-nous d'indiquer que l'association de "Acteurs économiques du Centre Mauges" a fait savoir au maire le 23 novembre 2010 qu'elle refusait de participer au comité de pilotage en expliquant qu'il s'agit de l'"utilisation de fonds publics" et qu'elle "n'est pas en phase avec la réalité économique de ce projet". Un projet est "structurant" s'il correspond à une nécessité pour appuyer un développement, comme le serait par exemple une infrastructure routière désenclavant le territoire. On peut s'interroger si sa réalisation se fait aux dépens de l'existant…

      

       Il n’est même pas certain que l’opération soit totalement bénéfique pour l’enseignement public. Les sommes utilisées pourraient manquer à l’entretien ou à la rénovation des établissements existants, imputables aux collectivités territoriales (respectivement à  la Région et au Département). Quant à la création de postes, elle relève de l'État. Or le recteur, soumis à des règles drastiques de restriction budgétaire et  tenant compte de l'évolution prévisible de la démographie, a fait savoir qu'il fallait au mieux raisonner à encadrement constant entre les différents établissements publics du Choletais ; mais alors comment fera-t-on face à l'arrivée des élèves perdus par l'enseignement sous contrat? Pour contourner la difficulté, il n'y aurait à Beaupréau qu'une antenne d'un lycée de Cholet ; cette formule risque d’entraîner la répartition des séries entre sites (on préférera par exemple une seule terminale L de 36 élèves à deux de 18), donc des classes surchargées et pour une partie des élèves (sans parler des professeurs) les déplacements que l’on veut éviter.  

     

     

    2)       les conséquences sur les établissements sous contrat

     

       Le maire de Beaupréau (5)a exprimé son souci d’accompagner ce projet "avec l'exigence du respect des établissements en place et de leur devenir". Cette bonne intention sera difficile à mettre en œuvre.

       Pour l'instant, seule l'ouverture d'un lycée public en  septembre 2015 est envisagée. Évidemment les établissements privés ne seront que progressivement touchésmais on peut craindre la perte de 80 à 100 élèves la première année et ainsi un manque de 240 à 300 élèves au bout des trois années de scolarité en lycée. C'est insupportable financièrement et il faudra déposer le bilan. Ces établissements n'ont même pas la possibilité de s'y préparerpuisquepar principe comme par obligation légaleil leur faut accueillir tous les élèves jusqu'aux vacances scolaires de 2015. Dans un très proche avenir ces établissements devront informer l'autorité judiciaire de l'inéluctabilité de la catastrophe et leur commissaire aux comptes les en a alertés. Nous avons indiqué dans le quatrième articlequ'il y avait eu une fusion des collèges privés de Beaupréau en 2004. Pour permettre la restructuration de l'ensemble, les établissements se sont endettés pour 25 ans à partir d'une étude démographique projetant les données de l'INSEE ; cette étude s’est vérifiée jusqu'à ce jour mais deviendraobsolète avec l'arrivée du lycée public. Cet endettementne laisse aucune marge de manœuvre. En supposant même que des arrangements soient trouvés pour que l'activité perdure, il faudra certainement se désengager sur le plan immobilier.

      

       Rappelons que l'ensemble immobilier des établissements privés de Beaupréau a été construit, adapté et entretenu grâce dans le passé au soutien direct ou indirect de la population, et aujourd’hui à la participation des familles (6) et aux subventions des conseils régional et général. S’estimant comptables envers tous ces contributeurs, les membres de l’association à but non lucratif propriétaire de ces biens entendent les gérer dans un esprit de service public.Il est probable que certains bâtiments récemment rénovés et actuellement utilisés seront désaffectés, par exemple celui du Pinier occupé par une partie du collège Charles de Foucauld. Qui pourra le reprendre ? Ce sera un traumatisme etun gâchis financier.

     

       Il y aura évidemment des répercussions sociales. Conclu pour l'établissement où ils enseignent, le contrat des 180 enseignants avec l’État sera caduc et il ne leur permet pas d'intégrer directement la fonction publique. Le reclassement de ceux qui perdront leur poste ou des heures est prévu par des accords internes, mais compte tenu des restrictions budgétaires il ne sera pas possible pour tous; déjà à la rentrée prochaine des enseignants sous contrat vont être obligés d'enseigner sur 2 voire 3 établissements ou de s’inscrire à Pôle emploi, même après plusieurs années d'enseignement. Des difficultés plus grandes encore attendent celles et ceux qui,  parmi les 86 membres (relevant du droit privé) du personnel d’éducation, d’administration et de service, seront licenciés.   

       La réduction, voire à terme la cessation, de l’activité des lycées sous contrat (et peut-être plus tard du collège) se fera sentir sur l’économie locale, ce qui accroît notre scepticisme devant le caractère "structurant " du projet régional. Quant à la volonté de "rééquilibrer" l’offre de formation en faveur du public, elle est en elle-même légitime, nous l’avons dit, mais nous pensons qu’elle doit s’apprécier à l’échelle d’un secteur, non d’une commune, et respecter le principe de réalité.

     

                                                                                                                  15 mars 2011

                                                                     Le collectif "Réflexions citoyennes – Le lycée de Beaupréau"

     

    (1)     Contrairement à ce que nous avions annoncé, nous avons regroupé les aspects économiques et sociaux. Le sixième et dernier article sera consacré à des précisions et des mises au point, notamment en partant des réactions suscitées par ce blog. 

    (2)     Dans l'immédiat, il n'est question que d'un lycée public mais, pour les mêmes raisons, la pression s'accentuera pour ajouter un collège public.

    (3)     Nous renvoyons au quatrième article où il est indiqué qu'en 15 ans les établissements d'enseignement secondaire de Beaupréau ont perdu 1/3 de leurs effectifs.

    (4)     Expressions utilisées par le maire de Beaupréau.

    (5)     Précisons qu'il n'y a que 17% de Bellopratains dans les effectifs du lycée.

    (6)     En 2011, la somme à payer par les familles (indépendamment de la restauration et de l'éventuel internat), est  au collège Charles de Foucauld de 20€ par mois et aux lycées NDBN et Le Pinier Neuf en moyenne de 48€ par mois.

     


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